Le Chat noir
Le canal qui se frayait un passage parmi les habitations, ne voyait plus depuis longtemps, le passage des péniches transportant leurs lourds chargements, vers des destinations industrieuses. Les écluses usées, rouillées ne s'ouvraient plus du tout.Elles devenaient des passages étroits entre les rives de cette eau,figée par l'inaction sur ces flots, mais aussi par la glace de ces journées d'hiver. Un des ponts qui l'enjambait, menait à l'entrée d'un cimetière, particulièrement peu fréquenté par cette journée ensoleillée et froide.Les rares visiteurs nourrissaient dans ce lieu de souvenirs, une atmosphère silencieuse, chargée de regrets, d'amertume, d'espérance... C'est pourtant dans ce lieu, qu'avait choisi comme espace de vie, une communauté de chats, s'abritant pour leur repos,dans les petites chapelles ouvertes aux quatre vents. La gent féline faisait office la nuit, de gardien de ce lieu inanimé en apparence. Elle conservait pour elle, les rencontres nocturnes et vaporeuses qu'elle faisait souvent dans les allées arborées. Qui la croirait !Et puis quelle importance... La Vie fait fi des frontières que la vision humaine impose pour la plupart, et les chats, ne connaissant pas ces limites, étaient habitués d'observer les allées et venues des "Humains transparents". La plupart des chats étaient plutôt réservés, certains employeraient le terme impropre de "sauvage".Lorsqu'une manne providentielle se présentait, seul les plus curieux s'avançaient vers leurs discrets bienfaiteurs.Parmi cette communauté, il y avait un Chat Noir au plastron nuancé d'une pointe de blanc : Et en ce jour très froid, il observait le passage des visiteurs, à l'entrée de la grille entr'ouverte. Niché sur un angle du mur du portail, cet animal bénéficiait d'un peu de chaleur, tout en maintenant ses observations. Loin d'être le cerbère, il était peu farouche, plutôt affable. Il prit coutume de saluer les visiteurs du lieu qui lui apportaient de l'estime, et même à d'autres qui ne demandaient rien. Un peu de chaleur féline avant de pénétrer dans cet endroit, ne ferait de tord à personne, se disait-il. Il avait remarqué la grisaille que les visiteurs portaient en eux, avant de pénétrer dans le cimetière. S'il pouvait faire cela, ce n'était que la moindre des choses. Le Chat Noir a connu aussi la séparation lorsque les siens sont partis, mais il n'éprouvait pas tant de tristesse, assuré de les retrouver dans un autre Monde. A force de croiser "les Humains diaphanes" qui se promenaient dans le cimetière, le Chat noir prit parti de converser avec eux et Certains lui avaient confié la transmission d'un message de tendresse et de joie à leurs proches. Ce qu'il ne manquait pas d'accomplir lorsqu'il les reconnaissait au passage de la grille. C'est ainsi, avec l'aide de ses petits yeux bleu vert, il réconfortait un peu les douleurs humaines, et par son soyeux pelage, il apportait un peu de réconfort. Le Chat Noir était devenu comme le pont qui enjambait le canal : il tentait ainsi de rapprocher en douceur l'espace qui sépare les deux Mondes.
llenio
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